Janvier 2004

Témoignage vécu par Willy Houyez

Voilà une expression que j’entends souvent autour de moi et que j’utilisais aussi précédemment.
Combien de fois n’ai-je pas dit « c’est dommage » que telle chose ou tel événement se produise dans
ma vie ou dans mon entourage; nous utilisons couramment cette expression lorsque les événements
de la vie que nous vivons ne nous plaisent pas ou ne correspondent pas à ce que nous souhaitons ou
qu’autour de nous, surgissent des réalités qui nous déplaisent et que nous ne comprenons pas.
C’est dommage que…

Nous sommes mécontents, malheureux; la vie nous parait peut être absurde, sans espoir, amère et nous
ne comprenons pas ce qui nous arrive. Nous sommes alors découragés et portons sur les événements un
regard de doute ou de pessimisme. Or, ce 23 février 2003, moi qui, en 68 ans, n’avais jamais vu ni un hôpital
ni une infirmière de près, j ai soudain été confronté à la maladie. J’ai fait un infarctus et me suis retrouvé
hospitalisé pour plusieurs semaines, semaines qui furent suivies d’une période de repos et de rééducation
cardiaque de plusieurs mois.

J’ai dû du jour au lendemain abandonner et perdre toutes mes activités et mes occupations; du jour au lendemain,
j’ai été plongé dans un univers pour moi inconnu : le monde de la santé, des médecins, des infirmières et des soins
que je devais recevoir..

Là, j’ai découvert la solidarité humaine ! .Des inconnus s’occupaient de moi, et essayaient de me ramener à la vie;
je faisais soudain partie de la communauté humaine et avais à mes côtés des hommes et des femmes qui chaque
jour m’entouraient et me soulageaient, bref, qui s’occupaient de moi. Quelle magnifique expérience de vie!
Ce fut une nouvelle manière de voir les autres, les personnes qui m’entourent; une vision d’un monde fait de dévouement,
de respect de chacun, d’encouragement et de partage, bref, un monde nouveau.

Alors, petit à petit, cette pensée « c’est dommage que », s’est progressivement transformée et fut remplacée par une
grande gratitude, et des pensées de paix, d’amour et de reconnaissance.
A travers cette expérience, je découvrais la grandeur de la réalité quotidienne et la valeur du moment présent à
vivre pour moi, suivant mon destin à moi, le mien!

Apprendre à vivre ces moments avec intensité comme un don de vie et voir chaque chose et chaque instant avec
un regard nouveau et m’émerveiller de tout ce qui se passait autour de moi!
Grâce à tant de délicatesse de dévouement, de petits gestes d’affection vécus et appréciés à chaque moment,
j’ai retrouvé petit a petit une grande paix et une grande sérénité.

Fin avril, au cours d’un examen de routine les médecins découvrent que je suis atteint d’un cancer du colon
et me voilà de nouveau confronté à une opération lourde.

En juillet, on m’enleva 40 cm d’intestin cancéreux.

Que m’arrive-t-il encore? Nouveau choc avec de nouvelles questions et de nouveau cette tendance à dire c’est dommage !
Pourtant cela a été de nouveau très positif; les visites, les réactions de mes connaissances, les amis qui m’ont manifesté leur
sympathie, tout un univers d’amour qui chaque jour s’ouvrait à moi et me réconfortait.
(J’ai reçu plus de 100 mails d’amitié et d’encouragement)
De nouveau devoir bien vivre ces moments présents et être d’accord avec mon destin; être bien dans ma tête et voir la vie
autrement, voir chaque moment présent comme un don pour les autres, m’ont de nouveau permis traverser cette tranche de
vie avec sérénité et paix.

En septembre, une radiographie de contrôle du squelette décèle des anomalies au niveau des os de la jambe droite et des
examens plus approfondis révèlent un cancer des os.

Le tibia et le genou étaient atteints et le mal pouvait se développer très rapidement. Que faire?
Les médecins ne voyaient pas d’autre solution que d’amputer la jambe!

Quel dommage! Pourquoi moi encore? Que vais-je devenir? Unijambiste ?
Il me fallait réagir; croire encore en la vie et accepter ce nouveau destin; vivre à fond ce nouveau moment pénible et être d’accord.

Heureusement, suite à une dernière consultation à l’institut Bordet à Bruxelles, les médecins spécialistes ont trouvé une autre solution.
Les chirurgiens ont enlevé le tibia, le genou et les muscles atteints et ont remplacé-le tout par une prothèse.

A présent, après 2 mois d’immobilisation, je suis rentré à la maison et réapprends progressivement à marcher; la vie reprend, lentement mais belle!

Je suis devenu riche d’une forte expérience de solidarité; j’ai redécouvert tout le sens de la vie, « être don pour les autres »
et savoir s’émerveiller de nouveau à chaque moment présent vécu à fond.

En septembre j’ai dû renoncer à mon mandat d’administrateur délégué de notre ASBL et accepter de laisser la place à d’autres
qui à leur manière vont continuer cette magnifique expérience commencée il y a 12 ans.

Je vous quitte, vous tous mes amis, et je vous remercie pour tout ce que j’ai reçu et vécu durant ces 12 années au service
des jeunes dans les écoles et pour les divers contacts engendrés par cette activité.
C’est le temps du repos, le temps de céder la place aux plus jeunes.

Merci pour tout ce que chacun de vous m’a apporté, et ensemble continuons à construire autour de nous un monde meilleur
où l’amour sera Roi, et sachons encore nous émerveiller à chaque moment de la vie qui est si belle.
Bannissons de notre vocabulaire et de nos pensées l’expression c’est dommage car chaque instant à sa valeur et peut être
source de joie, d’émerveillement et de découvertes enrichissantes.
Vous avez contribué à me donner au quotidien un vrai sens à ma vie et pour cela je vous remercie tous.

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